Original Text (Old French)
Entent un poi a ma proiere.
Ja t’ai je tant tenue chiere ! “
Quant out oï parler sa drue,
Sout que s’estoit aperceüe :
Deu en rent graces et merci.
Or set que bien istront de ci.
“Ahi ! Yseut, fille de roi,
Franche, cortoise, en bone foi,
Par plusors fois vos ai mandee,
Puis que chambre me fut veee,
Ne puis ne poi a vos parler.
Dame, or vos vuel merci crier,
Qu’il vos membre de cel chaitif
Qui a traval et a duel vif,
Quar j’ai tel duel c’onques le roi
Out mal pensé de vos vers moi
Qu’il n’i a el fors que je muere…
… Qu’il n’en creüst pas losangier
Moi desor lui a esloignier.
Li fel covert Corneualeis
Or en sont lié et font gabois.
Or voi je bien, si con je quit,
Qu’il ne voudroient quë o lui
Eüst home de son linage.
Mot m’a pené son mariage.
Dex ! porquoi est li rois si fol ?
Ainz me lairoie par le col
Pendre a un arbre qu’en ma vie
O vos preïsse druerie.
Il ne me lait sol escondire.
Por ses felons vers moi s’aïre.
Trop par fait mal qu’il les en croit.
Deceü l’ont, gote ne voit.
Mot les vi ja taisant et muz,
Qant li Morholt fu ça venuz
Modern French Translation
Ecoutez ma prière.
Vous savez comme je vous chéris !
” Tristan, aux paroles d’Yseut,
a compris qu’elle a deviné la présence du roi.
Il rend grâces à Dieu.
Il est sûr qu’ils sortiront de ce mauvais pas.
“Ah ! Yseut, fille de roi,
noble et courtoise reine,
c’est en toute bonne foi que
je vous ai mandée à plusieurs reprises,
après que l’on m’eut interdit votre chambre,
et depuis je n’ai pu vous parler. Ma dame,
j’implore votre pitié : souvenez−
vous de ce malheureux qui souffre mille morts,
car le fait que le roi me soupçonne
d’être votre amant me désespère,
et je n’ai plus qu’à mourir…
[Que ne fut−il assez avisé]
pour ne pas croire les délateurs
et ne pas m’exiler loin de lui !
Les félons de Cornouaille
en éprouvent une vile joie et s’en gaussent.
Mais moi, je vois bien leur jeu :
ils ne veulent pas qu’il garde à ses côtés
quelqu’un de son lignage.
Son mariage a causé ma perte.
Dieu, pourquoi le roi est−il si insensé ?
J’aimerais mieux être pendu par le col
à un arbre plutôt que d’être votre amant.
Mais il ne me laisse même pas me justifier.
Les traîtres qui l’entourent excitent contre moi sa colère,
et il a bien tort de les croire.
Ils l’ont trompé, et lui n’y voit goutte.
Ils n’osaient pas ouvrir la bouche,
quand le Morholt vint ici
English Translation
‘For God’s sake, my lady!
I asked you to come,
and now that you are here
I beg you to listen to what I have to say.
I have always held you so dear.’
When he had heard his beloved speaking
he knew that she had seen Mark.
He thanked God for this,
now that he was sure everything would go well.
‘Ah, Yseut, you are a noble, honourable and loyal daughter of a king!
Several times I have asked to see you since your room was forbidden to me
and I could not speak to you.
My lady, I want to beg your mercy on this poor wretch
living in sorrow and hardship.
That the king should ever think ill of me on your account
grieves me so much that I think I shall die.
It is hard for me [to bear these thoughts.
He is doing me a great injustice.
Alas, if only he knew my mind,
he would know the truth straight away
and] he would not believe these slanderers and send me away.
The wicked, sly Cornishmen are very pleased with this
and they are laughing over it.
It looks to me now as though
they wanted Mark to have no one of his own lineage around him.
His marriage has done me much harm.
God, why is the king so foolish?
would let him hang me before I became your lover.
He will not even let me clear myself.
He is angry with me because of his evil counsellors;
he is very wrong to believe them,
he does not realize how they have deceived him.
I can remember one occasion when they kept very quiet:
it was when Morholt came here,